Mieux vaut toujours une phrase juste dont on est l'auteur que de citer mille auteurs d'ailleurs pour justifier quelque chose de faux à l'aune de leur prestige et de leur réputation. « Excusez-moi de lire des livres » pourrait alors s'offusquer le chaland. Rien n'est à excuser, mais l'art de la citation a plus à voir avec l'art de bâtir des phares dans la nuit pour éclairer les marins sinon bientôt perdus dans l'immensité du monde et de l'océan, qu'avec une énième sophistique dont on s'en orgueillit. Voilà l'objet de cette page : donner du sens au monde et quand celui-ci est plongé parmi des ténèbres inquiétantes, être une flamme, un souffle, une fougue, un phare dans la nuit.
En cela, cette page viendra peut-être à jouer le rôle de lexique, de glossaire, voire plutôt d'abécédaire dans l'éclaircissement des concepts.
Spectacle et règne du paraître
C'est le point, d'après moi, le plus essentiel à comprendre de notre temps : la dépolitisation générale du monde, l'atomisation des structures collectives (États, nations, familles, équipes, amitiés) et du commun qui unit les Hommes entre eux. Une antireligion, qui reprend les formes traditionnelles de la religion sans en récupérer le potentiel à réunir les hommes (rappelons que la notion d' « Église » provient du grec Ecclesia désignant l'assemblée des hommes), se répand, domine les esprits et les cœurs.
« Il règne dans nos moeurs une vile et trompeuse uniformité, et tous les esprits semblent avoir été jettés, dans un même moule : sans cesse la politesse exige, la bienséance ordonne : sans cesse on suit des usages, jamais son propre génie. On ose plus paroître ce qu'on est ; et dans cette contrainte perpétuelle, les hommes qui forment ce troupeau qu'on appelle société, placés dans les mêmes circonstances, feront tous les mêmes choses si des motifs plus puissans ne les en détournent. » (Discours sur les sciences et les arts , Jean-Jacques Rousseau)
Jean-Jacques décrivit à la perfection ce qui serait bientôt notre catéchisme creux et sordide du « vivre-ensemble » ; le vœu pieux de « tolérance » tout à fait dépolitisant. (Voir l'article d'Elucid à ce sujet) À nous de savoir si ce qu'il décrivit il y a près de 250 ans, est consubstantiel à la condition humaine ou s'il s'agit de la lente marche vers le grand filtre de Fermi !
« Plus d'amitiés sinceres ; plus d'estime réelle ; plus de confiance fondée. Les soupçons, les ombrages, les craintes, la froideur, la reserve, la haine, la trahison se cacheront sans cesse sous ce voile uniforme et perfide de politesse, sous cette urbanité de moeurs si vantée que nous devons aux lumieres de notre siécle. » (Discours sur les sciences et les arts , Jean-Jacques Rousseau)
Il poursuit ainsi :
« On ne vantera pas son propre mérite, mais on rabaissera celui d'autrui. On n'outragera point grossiérement son ennemi, mais on le calomniera avec adresse. Les haines nationnales s'éteindront, mais ce sera avec l'amour de la Patrie. A l'ignorance méprisée, on substituera un dangereux Pyrrhonisme. Il y aura des excès proscrits, des vices deshonorés, mais d'autres seront décorés du nom de vertus ; il faudra ou les avoir ou les affecter. » (Discours sur les sciences et les arts , Jean-Jacques Rousseau)
Le fétichisme de la marchandise, la nouvelle (anti)religion
Il nous faut saisir à quel point la marchandise, les rapports marchands, envahissent peu à peu tous les jalons et les aspects de la vie humaine.
« La marchandise [...] est une chose très complexe, pleine de subtilités métaphysiques et d’arguties théologiques. » (Le Capital , livre premier, première section, IV, Karl Marx)
Il poursuit : « La forme valeur et le rapport de valeur des produits du travail n’ont absolument rien à faire avec leur nature physique.
C’est seulement un rapport social déterminé des hommes entre eux qui revêt ici pour eux la forme fantastique d’un rapport
des choses entre elles. Pour trouver une analogie à ce phénomène, il faut la chercher dans la région nuageuse du monde
religieux. [...] C’est ce qu’on peut nommer le fétichisme attaché aux produits du travail, dès qu’ils se présentent comme des
marchandises, fétichisme inséparable de ce mode de production. »
Cette analyse de Karl Marx est prolongée par le cinéaste et théoricien français Guy Debord :
« Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation. » (La société du Spectacle , Guy Debord)
« C’est le principe du fétichisme de la marchandise, la domination de la société par « des choses suprasensibles bien que sensibles », qui s’accomplit absolument dans le spectacle, où le monde sensible se trouve remplacé par une sélection d’images qui existe au-dessus de lui, et qui en même temps s’est fait reconnaître comme le sensible par excellence. » (La société du Spectacle , Guy Debord)
Sur le fascisme ancien et contemporain
« Aucun centralisme fasciste n’est parvenu à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation. Le fascisme proposait un modèle, réactionnaire et monumental, mais qui restait lettre morte. Les différentes cultures particulières (paysannes, sous-prolétariennes, ouvrières) continuaient imperturbablement à s’identifier à leurs modèles, car la répression se limitait à obtenir leur adhésion en paroles. De nos jours, au contraire, l’adhésion aux modèles imposés par le centre est totale et inconditionnée. On renie les véritables modèles culturels. L’adjuration est accomplie. On peut donc affirmer que la « tolérance » de l’idéologie hédoniste voulue par le nouveau pouvoir est la pire des répressions de toute l’histoire humaine. » (Écrits Corsaires, 1974, Pier Paolo Pasolini)
« Le néofascisme sera l’ultime expression du libéralisme social libertaire, de l’ensemble qui commence en mai 1968. Sa spécificité tient dans cette formule : ‘ Tout est permis, mais rien n’est possible.’ Puis à la permissivité de l’abondance, de la croissance, des nouveaux modèles de consommation, succède l’interdit de la crise, de la pénurie, de la paupérisation absolue. Ces deux composantes historiques fusionnent dans les têtes, dans les esprits, créant ainsi les conditions subjectives du néofascisme. De Cohn-Bendit à Le Pen, la boucle est bouclée. » (Néofascisme et idéologie du désir, 1973, Michel Clouscard)
Économie
Économie politique
Concentration et monopolisation
C'est quelque chose qui est soulevé chez Marx, déjà dans le Capital, et qui sera plus tard étudié plus en profondeur par Lénine (avant lui d'autres économistes sociaux-libéraux également, comme le britannique Hobson) : après avoir émergé au XVIe siècle (? Le Goff ?), ce mode de production s'est developpé et a prospéré selon l'idée de concurrence, mais le capitalisme concurrentiel a cessé de l'être et a commencé à plier sous le poids de contradictions qui feraient que la concurrence conduit finalement à un processus de concentration des capitaux et de monopolisation.
Comme rapporté par Pierre-Yves Rougeyron dans son Enquête sur la loi du 3 janvier 1973 , Edmond de Rothschild, membre de l'éminente famille, confia à la revue Entreprise du 18 juillet 1970 :
« L'entreprise ayant un petit nombre d'actionnaires, dirigée par un groupe familial et qui faisait figure de grande firme dans le capitalisme de la fin du dix-neuvième siècle et même jusqu'à ces dernières années, celle-là va disparaître. » (Edmond de Rothschild, 1970)
Impérialisme
Capitalisme « de connivence »
Existe-t-il un capitalisme sans connivence, ou le capitalisme n'est-il que connivence ?Dette, monnaie et banquiers
La révolution de 1789 fut l'avènement politique de la bourgeoisie qui détrôna l'aristocratie nobiliaire tout en gardant le trône. Cette prise de pouvoir s'accompagna de la sanctification de la propriété privée et de l'argent :
« L'assemblée interprète de la nation... déclare que la dette publique ayant été mise sous garde de l'honneur et de la loyauté française... nul pouvoir n'a le droit de prononcer l'infâme mot de banqueroute, nul pouvoir n'a le droit de manquer à la foi publique sous quelque forme et dénomination que ce puisse être. » (Décret du 13 juillet 1789)
De Gaulle le décrit :
« La Révolution française n'a pas appelé au pouvoir le peuple français, mais cette classe artificielle qu'est la bourgeoisie. Cette classe qui s'est de plus en plus abâtardie, jusqu'à devenir traîtresse à son propre pays. » (C'était de Gaulle , tome 1, Alain Peyrefitte)
Aparté sur la pensée voltairienne
C'est un duel qui persiste toujours aujourd'hui, que la notion de gauche est venue masquer, en faisant l'« alliance » à l'Affaire Dreyfus entre une bourgeoisie « progressiste » et le mouvement ouvrier socialiste, pour qui le qualificatif de gauche était tout à fait étranger à l'origine : le duel entre la pensée voltairienne dont sont éprises les élites dirigeantes depuis la Révolution française, et la pensée rousseauiste qui irrigue celle des révolutionnaires, des romantiques, et des théoriciens scientifiques du socialisme tout à la fois !
« C’est une très-grande question, mais peu agitée, de savoir jusqu’à quel degré le peuple, c’est-à-dire neuf parts du genre humain sur dix, doit être traité comme des singes. » (Jusqu'à quel point doit-on tromper le peuple ?, Voltaire)
« S’il a cru que nous tirerions l’épée pour le roman d’Émile, il peut mettre cette idée dans le nombre de ses ridicules et de ses folies. Mais il faut lui apprendre que si on châtie légèrement un romancier impie, on punit capitalement un vil séditieux. » (Le sentiment des citoyens, pamphlet publié anonymement contre Rousseau, Voltaire)
Reprenons sur le fait qu'en démocratie, un des aspects fondamentaux de la souveraineté réside dans la maîtrise de la monnaie.
« Pour la démocratie, la maîtrise de la monnaie et de la dette est aussi vitale que le droit de vote. Elle en est même l'une des conditions essentielles. Aujourd'hui la situation est repartie exactement dans le sens contraire avec l'euro et surtout le retour des rentiers comme au XIXe siècle. » (Pierre-Yves Rougeyron, Enquête sur la loi du 3 janvier 1973 )
D'ailleurs, c'est pour nous l'occasion ici de citer Jean Bodin, philosophe français du XVIe siècle qui posa conceptuellement la notion de souveraineté.
« Les usuriers pèchent contre la nature en voulant faire engendrer de l'argent par l'argent comme un cheval par un cheval ou un mulet par un mulet. De plus, les usuriers sont des voleurs car ils vendent le temps qui ne leur appartient pas, et vendre un bien étranger, malgré son possesseur, c'est du vol. En outre, comme ils ne vendent rien d'autre que l'attente de l'argent, c'est-à-dire le temps, ils vendent les jours et les nuits. Mais le jour, c'est le temps de la clarté, et la nuit, le temps du repos. Par conséquent, ils vendent la lumière et le repos. Par conséquent, ils vendent la lumière et le repos. Il n'est donc pas juste qu'ils aient la lumière et le repos éternel. » (Jacques Le Goff, La Bourse et la Vie, Économie et religion au Moyen Âge)
« Le système du crédit public, c'est-à-dire des dettes publiques, dont Venise et Gênes avaient, au moyen âge, posé les premiers jalons, envahit l'Europe définitivement pendant l'époque manufacturière. Le régime colonial, avec son commerce maritime et ses guerres commerciales, lui servant de serre chaude, il s'installa d'abord en Hollande. La dette publique, en d'autres termes l'aliénation de l'État, qu'il soit despotique, constitutionnel ou républicain, marque de son empreinte l'ère capitaliste. La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c'est leur dette publique. Il n'y a donc pas à s'étonner de la doctrine moderne que plus un peuple s'endette, plus il s'enrichit. Le crédit public, voilà le credo du capital. Aussi le manque de foi en la dette publique vient-il, dès l'incubation de celle-ci, prendre la place du péché contre le Saint-Esprit, jadis le seul impardonnables.
La dette publique opère comme un des agents les plus énergiques de l'accumulation primitive. Par un coup de baguette, elle doue l'argent improductif de la vertu reproductive et le convertit ainsi en capital, sans qu'il ait pour cela à subir les risques, les troubles inséparables de son emploi industriel et même de l'usure privée. Les créditeurs publics, à vrai dire, ne donnent rien, car leur principal, métamorphosé en effets publics d'un transfert facile, continue à fonctionner entre leurs mains comme autant de numéraire. Mais, à part la classe de rentiers oisifs ainsi créée, à part la fortune improvisée des financiers intermédiaires entre le gouvernement et la nation - de même que celle des traitants, marchands, manufacturiers particuliers, auxquels une bonne partie de tout emprunt rend le service d'un capital tombé du ciel - la dette publique a donné le branle aux sociétés par actions, au commerce de toute sorte de papiers négociables, aux opérations aléatoires, à l'agiotage, en somme, aux jeux de bourse et à la bancocratie moderne. » (Karl Marx, Le Capital, Livre I)
Rentes et rentiers
Indicateurs macroéconomiques
Taux d'intérêt
Inflation
Peuple
Quoi de mieux que des grands écrivains pour caractériser le peuple :
« Comme quoi le cabaret [le comptoir de café] est le parlement du peuple. » (Les Paysans , Honoré de Balzac)
Et ces mots de Hugo, qui résonnent en notre tragique époque :
« Depuis juillet, Paris a sur toutes les capitales le haut du pavé. Il ne faut pas que le roi batte le pavé de Paris. Dans le ciel politique, quand la foudre est faite de coups d'états, la pluie est faite de pavés. À coups d'états qui éclatent, pavés qui pleuvent. Depuis juillet le trône est sur le pavé. Quand le roi fait des sottises, le pavé monte et le réverbère descend. Le plus excellent symbole du peuple, c'est le pavé. On marche dessus, jusqu'à ce qu'il vous tombe sur la tête. La rue de Paris joue toujours un grand rôle en révolution. Le mot terible de la révolution de 1789, c'était la lanterne, le mot terrible de la révolution de 1830, c'était le pavé. Tous deux venaient de la rue. » (Méditations philosophiques d'un arrière-petit-fils de Gringoire , Victor Hugo)
Nation
.. et l'Internationale
« Arracher les patries aux maquignons de la patrie, aux castes de militarisme et aux bandes de la finance, permettre à toutes les nations le développement indéfini dans la démocratie et dans la paix, ce n'est pas seulement servir l'Internationale et le prolétariat universel, c'est servir la patrie elle-même. Internationale et patrie sont désormais liées. C'est dans l'Internationale que l'indépendance des nations indépendantes a sa plus haute garantie; c'est dans les nations indépendantes que l'Internationale a ses organes les plus puissants et les plus nobles. On pourrait presque dire : un peu d'internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d'internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l'Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène. » (L'Armée nouvelle, « Le ressort moral et social - L'Armée, la PAtrie et le Prolétariat », Jean Jaurès)
L'homme contre le citoyen
Forcé de combattre la nature ou les institutions
sociales, il faut opter entre faire un homme ou un citoyen :
car on ne peut faire à la fois l’un et l’autre.
Toute société partielle, quand elle est étroite et bien unie,
s’aliène de la grande. Tout patriote est dur aux étrangers :
ils ne sont qu’hommes, ils ne sont rien à ses yeux. Cet
inconvénient est inévitable, mais il est faible. L’essentiel est
d’être bon aux gens avec qui l’on vit. Au dehors le Spartiate
était ambitieux, avare, inique ; mais le désintéressement,
l’équité, la concorde régnaient dans ses murs. Défiez-vous
de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs
livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux.
Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer
ses voisins. » (Émile ou De l'éducation , Jean-Jacques Rousseau)
Patrie et héritage
Souveraineté et Europe
Jean Bodin nous rappelle l'indissociabilité entre une « République » souveraine et le privilège, la puissance de battre monnaie :« Quant au droit de [battre monnaie], il est de la même nature de la loi, et n'y a que celui qui a puissance de faire la loi, qui puisse donner loi aux monnaies : ce qui est bien entendu par les mots Grecs, Latins et Français ; car le mot de nummus, est du Grec [...], comme loi et aloi : et ceux qui parlent mieux ôtent la première lettre. Or il n'y a rien de plus grande conséquence après la loi, que le titre, valeur et pied des monnaies, comme nous avons montré en un [52] traité à part. Et en toute République bien ordonnée, il n'y a que le Prince souverain qui ait cette puissance. » ( Les Six livres de la République, « Des vraies marques de souveraineté », chapitre X, Jean Bodin)
« Tant que les Américains étaient maîtres du Marché commun, ils étaient pour. Maintenant que ça devient sérieux, ils sont contre. Quelle blague ! Ils ont poussé les Anglais à le détruire de l'intérieur. Ils vont l'attaquer par le GATT 4. Eh bien, mieux vaut l'indépendance qu'un Marché commun vassalisé. Et même, s'il fallait choisir entre l'indépendance et le Marché commun, il vaudrait mieux l'indépendance que le Marché commun. » (C'était de Gaulle , tome 2, Alain Peyrefitte)
Au sujet de l'« Europe des nations » ou des « patries » :
« Je n'ai jamais parlé d'Europe des patries. [...] Chacun a sa patrie, nous avons la nôtre, les Allemands ont la leur, les Anglais ont la leur, et c'est ainsi. J'ai parlé de la coopération des États. [...] Si nous arrivons à surmonter l'épreuve du marché commun, et j'espère bien que nous le ferons, il faudra reprendre ce que la France a proposé en 1962 et qui n'avait pas réussi en 1961, et qui n'avait pas réussi du premier coup. C'est-à-dire l'organisation d'une coopération politique naissante entre les Etats de l'Europe Occidentale. Et à ce moment-là il est fort probable qu'un peu plus tôt, un peu plus tard, l'Angleterre viendra nous rejoindre et ce sera tout naturel. Bien entendu cette Europe-là ne sera pas, comme on dit "supranationale". Elle sera comme elle est. Elle commencera par être une coopération. Peut-être qu'après, à force de vivre ensemble, elle deviendra une confédération. Et bien je l'envisage très volontiers et ce n'est pas du tout impossible. » (Charles de Gaulle à Michel Droit, 14 décembre 1965)
Voici quelques sombres personnages, parlant de l'Europe, nécessaire et merveilleuse à leurs yeux. Commençons par l'ami Jean Monnet, au sujet du général de Gaulle :
« C'est le type parfait du discours hitlérien et l'application de ses méthodes. Ceci étant, il faut se résoudre à conclure que l'entente est impossible avec lui :
- qu'il est un ennemi du peuple français et de ses libertés ;
- qu'il est un ennemi de la reconstruction européenne dans l'ordre et la paix;
- qu'en conséquence, il doit être détruit, dans l'intérêt des Français, des Alliés et de la paix.
(Note à Harry Hopkins , Jean Monnet, rapporté par Éric Roussel)
« Il faut faire l'Europe. »(Discours et messages , Pierre Laval)
Partis et syndicats
Le propos de l'historien Marc Bloch illustre toujours parfaitement le marasme dans lequel nous plonge la dictature des boutiques partisanes, des appareils parlementaires et ripoublicains :
Prisonniers de dogmes qu'ils savaient périmés, de programmes qu'ils avaient renoncé à réaliser, les grands partis unissaient, fallacieusement, des hommes, qui sur les grands problèmes du moment - on le vit bien après Munich - s'étaient formé les opinions les plus opposées. Ils en séparaient d'autres, qui pensaient exactement de même. Ils ne réussisaient pas, le plus souvent, à décider de qui serait au pouvoir. Ils servaient simplement de tremplin aux habiles, qui se chassaient l'un l'autre du pinacle. (L'Étrange défaite, Marc Bloch)
Pour apprécier les partis politiques selon le critère de la vérité, de la justice, du bien public, il convient de commencer par en discerner les caractères essentiels. On peut en énumérer trois : Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective. Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres. La première fin, et, en dernière analyse, l’unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite. Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S’il ne l’est pas en fait, c’est seulement parce que ceux qui l’entourent ne le sont pas moins que lui. Ces trois caractères sont des vérités de fait évidentes à quiconque s’est approché de la vie des partis. (Note sur la suppression générale des partis politiques, Simone Weil)
Libération
« La France n'a aujourd'hui d'autre réalité, que le souvenir et l'espérance » (L'Enracinement, Simone Weil)
Révolution
« Qui a du fer a du pain... La France hérissée de travailleurs en armes, voilà l’avènement du socialisme. En présence de prolétaires armés, obstacles, résistances, impossibilités, tout disparaîtra. Mais pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocats, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours. Que le peuple choisisse ! » (Auguste Blanqui)
« La liberté n’est qu’un vain fantôme quand une classe d’hommes peut affamer l’autre impunément. L’égalité n’est qu’un vain fantôme quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort sur son semblable. La république n’est qu’un vain fantôme quand la contre-révolution opère, de jour en jour, par le prix des denrées, auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes.
(...) Ainsi, mandataires du peuple, l’insouciance que vous montreriez plus longtemps seroit un acte de lâcheté, un crime de lèse-nation. Il ne faut pas craindre d’encourir la haine des riches, c’est-à-dire des méchants. Il ne faut pas craindre de sacrifier les principes politiques au salut du peuple, qui est la suprême loi. » ( Manifeste des Enragés, 1793, Jacques Roux)
Seconde guerre mondiale
« [Les Américains] ont bombardé la France, plus que l'Allemagne. Ça a quand même fait 75 000 morts. (...) Je dirais sans aucun objectif militaire.» (Annie Lacroix-Riz, cf La Non-épuration en France)
« Le centrisme est le vychisme du temps de paix. » (J'ai mal à ma peau de gaulliste, Alexandre Sanguinetti)
Au patronat français, de Gaulle déclare : « Je n'ai vu aucun de vous à Londres, messieurs, répond le général à une délégation de patrons venus s'indigner des « accusations infâmes » portées contre eux. Ma foi, vous n'êtes pas en prison ! »
Résistance
« Les forces de résistance représentèrent jusqu'à un tiers des lignes de Front contre l'Allemagne nazie. C'est plus que les États-Unis » (Annie Lacroix-Riz, cf La Non-épuration en France)
Les travaux et notices de synthèse indiquent que 110 000 à 130 000 FFI rejoignent la 1re Armée et la 2e DB à l’automne 1944 (chiffre global, pas une « part du front »), ce qui alimente la perception d’une armée devenue largement « FFI ».Gouvernance, techniciens et technocrates
« L'abdication d'une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature intérieure par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle au nom de la technique, exercera en réalité la puissance publique » (Pierre Mendès-France)
« Rien, précisément, ne trahit plus crûment la mollesse d'un gouvernement que sa capitulation devant les techniciens. » (L'Étrange défaite, Marc Bloch)
État de droit
Observons une chose : la notion d'État de droit, a été critiquée vigoureusement par différents esprits brillants, en toute indépendance les uns des autres. Ce qui renforce encore plus la méfiance qu'il faut avoir quand on manipule ou évoque ce concept, hautement antipolitique et antipopulaire de nos jours. L'État de droit, c'est aujourd'hui le chien de garde du droit de l'État bourgeois et de l'oligarchie financière qui règne en France.
Jacques Sapir, Guy Debord, Ghislain Benhessa